Le Soleil
(Québec) À mesure que l'idée de taxer les boissons gazeuses pour lutter contre l'obésité fait son chemin, les compagnies qui les produisent affûtent leurs armes. Coca-Cola vient ainsi d'embaucher un lobbyiste afin de convaincre le gouvernement québécois de n'en rien faire.
Selon le Registre des lobbyistes du Québec, le mandat inscrit le 13 janvier a pour objet de faire des «démarches [...] dans le but de ne pas appliquer une taxe spéciale sur les boissons gazeuses, l'objectif de santé publique pouvant être atteint par des mesures d'affichage nutritionnel éclairé».
D'une valeur se situant entre 10 000 $ et 50 000 $, le mandat confié au lobbyiste David Veillette, du cabinet de relations publiques National, vise les ministères de la Santé et des Services sociaux, du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, de l'Éducation, du Loisir et du Sport et le cabinet du premier ministre. Amorcé le 15 décembre, il court jusqu'au 15 février 2011.
Ce mandat intervient justement alors que le gouvernement est en pleine consultation prébudgétaire pour l'année financière qui débutera le 1er avril. Citoyens et organismes sont invités à faire des suggestions pouvant permettre au gouvernement d'atteindre ses objectifs.
C'est dans ce cadre que la Coalition sur la problématique du poids vient tout juste de déposer pour la deuxième année une proposition afin de taxer les boissons gazeuses.
L'année dernière, la Coalition Poids - qui regroupe une centaine d'organisations - avait d'abord défendu le principe, indiquait hier sa directrice Suzie Pellerin. Cette année, la proposition est plus détaillée et s'articule autour de l'idée d'utiliser les fonds ainsi obtenus afin d'améliorer l'offre des repas dans les écoles ainsi que leur accessibilité.
Selon l'organisme sans but lucratif, chaque tranche d'un cent de taxe spéciale par canette de boisson gazeuse rapporterait 8 millions $ au trésor public.
Pour et contre
L'idée de taxer les boissons gazeuses pour lutter contre l'obésité apparaît séduisante, mais ne fait toutefois pas l'unanimité. Pour les uns, il faudrait d'abord favoriser l'accès à une alimentation saine avant de taxer la malbouffe, notamment par un meilleur contrôle des prix, par exemple celui du lait. Pour d'autres, cette solution pénalisera d'abord les moins fortunés, et sera sans effet si ceux-ci remplacent les boissons gazeuses par des jus en poudre tout aussi sucrés, par exemple.
Mais pour la Coalition Poids, il faut bien commencer quelque part, et les boissons gazeuses sont une cible toute désignée en raison de l'importante quantité de sucre qu'elles contiennent et des études démontrant leurs conséquences sur l'obésité. De surcroît, leur consommation a beaucoup augmenté chez les jeunes ces dernières années.
Selon Mme Pellerin, l'industrie réagit de «manière très agressive» au mouvement en faveur de la taxation spéciale. En décembre, Coca-Cola a fait paraître des demi-pages de publicités dans certains quotidiens québécois pour faire valoir sa nouvelle politique d'affichage sur la teneur en calories de ses produits, afin d'aider les consommateurs à faire des choix en faveur d'un «régime alimentaire équilibré et sain».
La compagnie fait aussi du chemin en soutenant des initiatives pour un plus grand niveau d'activité physique, notamment avec ParticipAction. Mais selon Mme Pellerin, de telles initiatives envoient le message selon lequel l'obésité est uniquement attribuable à la sédentarité et non à la consommation de certains produits, ce qu'elle déplore.
Ce n'est que lors du dépôt du budget, à la fin mars, que l'on saura si le ministre des Finances a retenu la solution de la Coalition Poids. Pour lire le mémoire de l'organisme, voir le site www.cqpp.qc.ca