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Par André SIMARD

 

Le travail

Je suis arrivé à l’aéroport de Ho Chi Minh vers 23 heures le 1er décembre 2003. Une de mes valises, la principale, n’a pas pris la correspondance à Tokyo. Hervé FAYET, le directeur des classes bilingues m’accompagne à l’hôtel. Une trentaine d’heures de déplacement dont environ vingt-trois en avion. J’étais fatigué et je songeais à prendre la journée du lendemain pour récupérer un peu.

Hervé m’annonce alors qu’il me prendra le lendemain vers 8h pour un petit déjeuner avec  les camarades de travail.

Ce sera le pho pour tous, il y a là Monique, une québécoise arrivée il y a un mois et assistante pédagogique en français. Bernard, un belge assistant en français, qui est là depuis cinq ans avec sa femme, une très belle gabonaise et ses deux enfants. Chi Giao, dire Ti Iao, une jolie vietnamienne les yeux pleins de rires et de douceur qui est assistante administrative. C’est l’équipe du bureau. Il y a aussi plusieurs assistants pédagogiques vietnamiens qui sont rattachés à des écoles. Ils ne viennent à l’Agence que pour les réunions.

L’AUF a de nombreux autres programmes dont je vous épargne la liste.

L’Agence et le programme de classes bilingues ont comme objectif le renforcement de langue et de la culture française. Ses programmes existent en Asie, à Vanuatu dans le Pacifique (j’espère m’y faire affecter un jour), en Afrique, en Haïti et en Amérique du sud. Vous voulez voyager alors l’Agence est là pour vous.

Les classes bilingues sont un des programmes d’élites offerts aux jeunes vietnamiens, ou plutôt aux jeunes vietnamiennes devrais-je écrire car elles y sont en forte majorité. Le proviseur adjoint d’un lycée à qui je faisais part de cette constatation m’a dit que les garçons sont plus intelligents que les filles mais que celles-ci sont plus laborieuses, la preuve en étant que les grands concours nationaux sont gagnés par des garçons.

Je fais de l’observation en classe, je tiens des réunions hebdomadaires avec les enseignants que j’assiste et j’apporte de l’aide individuelle pour des difficultés en français et en mathématiques.  Je devrai faire des tournées, aller en mission comme on dit ici, dans de petites villes du sud et du centre du Vietnam.  Enfin je fais partie en tant qu’expert de la commission nationale de l’enseignement des mathématiques en français.

Ça me va comme travail,  j’aime bien mes camarades et je crois que c’est réciproque.

 

Chez le coréen

23h30 samedi soir, il fait autour de 25 degrés, une douce brise nous caresse la peau. Nous sommes dans un petit parc longé par la rue Dong Khoi, la rue des boutiques chics de HCMville. De beaux arbres, des arbustes fleuris, des lumières de Noël qui scintillent (oui, oui), quelques tables basses et des chaises de parterre installées sur un patio, nous y prenons un dernier verre avant de rentrer. Quelques autres tables sont occupées par un couple de jeunes qui se bécottent, une famille avec de jeunes enfants et aussi des occidentaux. Dans les pays du sud, les enfants se couchent en même temps que les parents je crois. Il y a Monique, Wayne, un malaisien de Toronto qui travaille aussi à l’Antenne, Ron un anglo de Montréal qui veut vivre ici en donnant des cours d’anglais et moi. La compagnie est agréable, le souper a été extraordinaire, je me sens bien, presque heureux.

Ce quartier est le quartier des touristes aisés, des grands hôtels, le Continental de Graham Greene, le Rex avec sa magnifique terrasse sur le toit, le Sheraton avec sa piscine au 15ième. Mais comme dirait Michel MPAMBARRA, l’humoriste rwando-québécois, il y a trop de blancs ici.

Nous arrivons de chez le coréen. Une amie vietnamienne de Wayne, Huong,  et Minh, son « fiancé » s’étaient joints à nous. Nous choisissons de nous faire servir une variété de plats pour six.  Une nuée de serveuses s’agite autour de nous pour nous les apporter. De petites portions mais en quantité incroyable. Nous occupons une grande table qui pourrait recevoir de huit à dix personnes et les serveuses doivent régulièrement enlever des mets pour faire place aux nouveaux. À chaque nouveau service, je me dis voilà c’est tout et pourtant non, il y en a encore à venir. D’une galette molle au sarrasin fourrée de confitures en passant par des arachides en sauce, du thon cru et délicieux, du calmar toujours aussi caoutchouteux, des légumes et crevettes en tempura très léger, deux petits bols de soupes différentes, de minuscules poissons frits et croustillants (des menés comme on dit chez nous) des salades dont une étonnamment à la vinaigrette de type Kraft californienne, un poisson entier grillé dont je me régale, des crêpes fines à garnir de champignons noirs, des sauces épicées jusqu’aux tranches de pastèques pour calmer le feu dans la bouche. J’en oublie le plus grand nombre. À un moment donné, je me suis amusé à compter et il y en avait plus de cinquante. Dans ces restaurants, on peut apporter notre vin même s’ils en vendent, ils sont très accommodants comme on dit. Ce vin, c’est celui de Dalat, une superbe ville du centre au climat plus tempéré où allaient se reposer les coloniaux français. Ils y ont construit des résidences secondaires à la normande, à la bretonne etc. J’ai bien hâte d’aller voir. On paie le vin un peu plus de 3 $ la bouteille et il est comparable au vin en vrac de notre Société des alcools. Les vins étrangers sont plus chers que chez nous alors... 

En partant j’étais un peu mal à l’aise, nous nous étions empiffrés et il restait encore beaucoup de plats sur la table dont certains non entamés. Un peu scandaleux. Huong nous a dit que le resto allait sans doute les servir à une prochaine table. Ouin…et nous de qui avions-nous hérité ?

Le prix de telles agapes, un peu plus de 8 $ canadiens par personne !

En après-midi, Monique et moi étions allés sur la terrasse « on the roof » du Rex prendre un rafraîchissement. Cet hôtel est à l’intersection du boulevard Le Loi qui se termine à la Maison de l’Opéra et de l’avenue Nguyen Hue qui va de la Maison du Peuple (Hôtel de ville)  à la rivière Saïgon. Deux Champs Elysée qui se croisent. Sur la terrasse aménagée comme un jardin, arbres bas, fleurs, statues d’animaux, petits autels bouddhistes, il y a des espaces plein soleil et d’autres ombragés. De confortables fauteuils d’osier de qualité, un service courtois, vin blanc pour elle et jus de mangue ou plutôt purée de mangue pour moi à boire avec une paille. Le grand luxe à portée de tous, tous les occidentaux je veux dire.

Le lendemain c’est brunch au Dim Sum chez le chinois. Les Dim Sum sont des bouchées que l’on bouffe en quantité industrielle, on ne sait pas trop ce que l’on mange mais c’est délicieux.

Puis le lundi soir, pour le repas d’adieux du torontois de Malaisie, on retourne chez le chinois pour le grand jeu i.e. le canard laqué. Les serveurs nous présentent la bête cuite avec la tête et nous servent d’abord le meilleur i.e. la peau croustillante. Celle-ci est découpée en morceaux de six à huit centimètres de côté qui sont déposés sur une petite crêpe fine. On badigeonne avec la sauce idoine avant d’y déposer quelques condiments et de rouler le tout. La bête est retournée en cuisine pour découpage et rapportée plus tard, la tête fendue en deux morceaux longitudinalement avec un poulet dépecé et des morceaux de porc dans une sauce sucrée. Du canard laqué pour 8 $ par personne.

Pas mal du tout pour un weekend, non ?

 

Mon hôtel, ma rue.

Mon hôtel est situé dans le quartier 1, au 05 de la rue Nguyen Van Trang Mon, mon environnement immédiat est strictement vietnamien mais limitrophe au quartier « routard » au sud et au quartier des grands hôtels à l'est. Routard se dit « thay balo » en vietnamien, ce qui se traduit littéralement par « étranger », thay, et « sac au dos », balo comme dans le mot français ballot.

C’est un hôtel à six étages, tout étroit à l’image d’un grand nombre d’édifices de la ville. Deux chambres par étage, une qui donne sur la rue et l’autre sur l’arrière. Au centre un escalier en colimaçon.

J’y suis traité comme un prince, une petite suite avec l’air climatisé, très propre, le petit-déjeuner à la chambre, des fruits à volonté, pamplemousses détaillés en quartiers dont la peau a été enlevée et le merveilleux fruit du dragon. Un fruit ovale de la grosseur d’un petit ballon d’enfant de couleur rose violacé Des pétales pointues jaunes et vertes font comme des aspérités sur le fruit. Le nom de dragon vient sans doute de là. En le coupant on découvre une chair d’un blanc gris remplie de petites graines noires. Cette chair, de la consistance d’une pastèque, est très rafraîchissante. À mon arrivée, après le travail, on apporte de l’eau bouillante pour que je me prépare le thé. Mes vêtements sont lavés pressés suspendus dans mon armoire chaque jour. Un drap blanc immaculé est quotidiennement remplacé et ma couette mince est tout aussi blanche. Un oreiller recouvert d’une taie d’oreiller sur laquelle une fine toile de coton est déposée. Le raffinement à l’orientale. Le tout pour 20 $ canadiens par jour.

Ma rue est toute petite et n’apparaît pas sur les cartes touristiques. En arrivant lundi soir, le 1er décembre, à 23h, je n’aurais jamais osé m’y aventurer si on ne m’y avait amené.

De la fenêtre de ma chambre qui donne sur la rue, je vois la vie quotidienne se dérouler. Dès 5h30, un peu avant l’aube, la rue commence à s’animer. Des femmes et des hommes enfourchent leur moto pour aller au travail et la porte de l’impasse, face à l’hôtel, s’ouvre. Cette large porte donne sur une cour intérieure où habitent plusieurs familles. Cette porte d’arche de 3 mètres de large est surmontée d’un petit toit à quatre versants recouvert de tuiles typiquement vietnamiennes à demi-cylindre. Le demi-cylindre du bord du toit est fermé par une pièce ronde à reliefs. Sur les arêtes du toit, des animaux fabuleux, genre de gargouilles, faits de ciment. Très belle et ancienne porte très ouvragée mais peu entretenue. Dommage.

Une popotte roulante sur laquelle bout déjà le bouillon du pho est poussée dans l’embrasure de la porte. On installe sur un bout de trottoir adjacent quelques tables basses et des tabourets de plastiques. Des assiettes débordantes de fines herbes fraîches, des piments rouges tranchés et des rondelles de limes pour parfumer le pho y sont déposés. Les clients arrivent, souvent les mêmes, des étudiants, des travailleurs, des mamans avec les enfants qui ne veulent pas plus manger que nos petits québécois. Un client régulier ne mange pas le pho mais plutôt les opla, une déformation « d’œufs sur le plat », avec une baguette de pain qu’il a apporté. On boit du « ca phe » noir ou servi avec du lait concentré sucré ou encore du « ca phe sua da » qu’on transvide dans un verre rempli de glaçons et auquel on ajoute du lait sucré. Il y a ensuite le marchand de glace qui arrive avec son assistant. Une bicyclette à trois roues, deux à l’avant qui supporte une boîte de bois remplie de blocs de glace transparents donc peu froids. Ils débitent les gros blocs de 30cm par 30cm par 100cm en petits cubes de 10cm de côté pour les livrer aux marchands du voisinage.

Cette popotte ne sert que le petit-déjeuner et vers 9h30, les tables et les chaises basses sont enlevées, le trottoir balayé et lavé à grande eau et de nouvelles tables et chaises plus hautes et de métal sont installées. C’est l’ameublement d’une autre popotte, voisine celle-là de l’hôtel, et qui occupe un beaucoup plus long bout de trottoir et qui servira le déjeuner et le dîner des français ou notre dîner et souper à nous. Un repas à ce restaurant de rue coûte environ un dollar et c’est bon, j’y mange de temps à autre.

Il y a sur ma petite rue de nombreux autres commerces, une pharmacie, un restaurant malaisien climatisé, le Lotus College, un autre hôtel, quelques magasins de vêtements sans oublier les vendeurs ambulants de cigarettes ou de journaux. C’est une belle et invitante petite rue où des gens vivent, travaillent, aiment et commercent comme on peut en voir dans toutes les grandes villes du monde, j’imagine.

Cette rue est une part de mon imprégnation du Vietnam. Vous savez ce phénomène étudié par Konrad LORENZ sur de petits canards qui au sortir de l’œuf suivent le premier être qui passe. Cette rue sera donc une partie du prisme à travers lequel je verrai désormais le Vietnam. J’en suis bien content.

 

Le Génie de la maison.

Une compagne de travail vietnamienne, Chi Giao, m’a loué sa maison.

Cette résidence est enclavée au centre d’un pâté de maisons et on y accède en empruntant une première impasse puis une seconde. C’est très tranquille loin du bruit des motos. C’est une belle maison neuve avec au rez-de-chaussée un espace pour garer la moto, une salle à manger, un living comme disent nos cousins, une cuisine et une salle de toilettes très moderne. Lorsqu’on y entre, là, presque au fond et droit devant, c’est l’escalier sans garde-fou dont les marches sont couvertes de tuile de couleur terra cota qui nous frappe. Sur le mur que cet escalier longe, il y a des appliques de pierres de granit de couleurs différentes comme on en voit chez nous sur les foyers de maisons cossues. Puis, au milieu de ces pierres, une cassure, une rivière suggérée par un large trait aqua serpente. Très beau et apaisant. La salle à dîner est contre cet escalier.

Les armoires de la section cuisinette sont de lattes de bois teintes acajou ou bois blond. Dans la section living s’ouvre une très grande fenêtre romane, c’est là que j’ai installé mon bureau. À l’arrière de la cuisinette, une porte donne sur un puits d’aération et de lumière qui traverse la maison de bas en haut. Ma chambre au premier étage est grande, bien meublée et là encore une large fenêtre donne toute la lumière voulue. Un confortable matelas de latex véritable pour le lit. Un luxe pour moi ce latex. Une salle de toilette couverte de tuiles de céramique avec douche complète l’étage. La chambre du second est semblable avec des pastels sur les murs et sa salle de toilette. Mais en plus, il y a une porte qui permet d’accéder à un balcon où je vais lire au soleil du matin. C’est la chambre principale mais comme il n’y a pas la climatisation, je préfère celle du premier. Les plafonds sont à plus de trois mètres de hauteur vraisemblablement pour mieux évacuer la chaleur. Pas encore de jardin sur le toit mais Chi Giao m’a dit que c’est un projet qu’elle caresse, j’ai bien hâte. 

Une aussi jolie maison mérite des égards et aujourd’hui, Chi Giao et sa sœur, Quynh Chi, ont consacré la maison. Selon le bouddhisme ou le culte des ancêtres, il y a un Génie qui habite le sol sous la maison et il faut lui faire une offrande et des prières pour que le bonheur soit présent dans la résidence.

Les deux sœurs ont déplacé la table dans l’entrée de la maison puis y ont déposé une assiette de viande, deux verres remplis d’alcool de riz et d’eau, des fruits et des bougies rouges. Elles se sont placées juste à l’extérieur de la maison et ont allumé une douzaine de longues tiges d’encens rouge ocre qu’elles ont tenues devant leurs têtes. Elles balançaient ces tiges incandescentes d’avant à l’arrière tout en se recueillant. Elles faisaient alors une prière au Génie. Elles ont remis ces tiges dans un vase sur la table puis elles ont, l’une après l’autre, jeté du riz et du sel dans l’impasse qui mène à la maison. Ces aliments de base sont destinés aux âmes errantes afin qu’elles ne viennent pas troubler la quiétude des habitants de la maison. Elles ont ensuite versé de l’alcool de riz dans l’impasse et dans le puits d’aération et, à ma demande, dans ma chambre. La nourriture devait être donnée aux voisins, mais malheureusement il n’y avait personne à qui l’offrir. Chi Giao l’a rapportée et en a offert à la préposée de la bibliothèque où nous sommes allés par la suite.

Cette manifestation de foi m’a fortement ému et si je n’avais pas eu peur du ridicule, j’aurais eu quelques larmes de profondes reconnaissances envers ces deux sœurs. J’ai cru, et même si j’ai tort, je préfère le croire, que ce cérémonial était aussi un peu pour mon bien-être.

Merci à elles de m’avoir accueilli à ce moment précieux.      

 

Une nuit de Noël à HCMville

Le 24 au soir, je suis allé  prendre une bière avec Chantal et Jacques, compagnons de Japan Air Lines. Un premier taxi a refusé de me conduire en me répétant un « cébouché » que j’ai fini par comprendre dans le deuxième taxi en constatant la lourdeur de la circulation ». Bel hôtel, Le Kim Bo sur Nguyen Hue près de Le Loi. Rencontre très agréable doublée du plaisir de parler français avec « l’accent du boutte » J’irai certainement là où ils sont passés.

M’est alors venue l’idée de prendre un repas de réveillon en compagnie des fantômes de Graham Greene, Malraux, Hemingway et je me suis dirigé vers Le Continental. Il est 21h, la foule dans les avenues était déjà dense, joyeuse et animée.

Au restaurant, cuisine d’inspiration italienne, je demande le plat de Tacchinatto ripieno al forno e patatine rosolate i.e. de la dinde farcie au porc et aux noix de lotus accompagnée de pommes de terres sautées. La prochaine fois que je fais de la dinde au Québec, qui sait je reviendrai peut-être un jour, j’y ajoute des noix de lotus c’est sûr.

La décoration de la salle à manger est très chargée. Murs vieux rose avec des couronnes de Noël tout au haut, plafonds à caisson et moulures à la grecque. Dans la section bar, là où je vois Hemingway prendre un whiskey, un plafond de bois verni, de profonds fauteuils et la musique d’un pianiste et d’une violoniste. Là devant moi deux jeunes hommes accompagnés de quatre belles vietnamiennes. Seul, je les envie. Plus loin une famille complète d’une quinzaine de personnes, de 7 à 77 ans. Beaucoup d’occidentaux dont d’immenses hollandaises ou allemandes, je ne sais trop, de six pieds avec des seins comme des obus.

Une petite et sa maman sont photographiées par papa devant la large porte vitrée du restaurant. Je souris en espérant être sur la photo. Je finis mon vin en prenant un morceau de bûche de Noël, comme à la maison, un gâteau blanc roulé, fourré de confitures et nappé d’un glaçage au chocolat.

De larges fenêtres donnent sur une grande place entourée du Continental, puis dans le sens horaire,  par la superbe Maison de l’Opéra, des hôtels Caravelle et Sheraton. À gauche, il y a Chez Givral un restaurant pas mal mais pas à la hauteur de ce qu’en dit le Guide Routard. C’est à cette magnifique place que prend naissance le grand boulevard Le Loi.

Vers 23h j’emprunte ce boulevard, des dizaines de milliers de motos l’ont envahi. Tout Saigon semble être là. Comment vais-je retourner chez moi ? J’achète, comme tous, des sacs de confettis qu’on lance en l’air et qui donne l’impression, un court moment, qu’il neige. À qui mieux mieux on se lance de la neige et vous pouvez imaginer que tous s’en donnent à cœur joie pour couvrir le grand occidental d’un maximum de paillettes multicolores. Je suis un des rares blancs présents alors…L’atmosphère est bon enfant, je ris et m’amuse.

Je décide d’aller faire un tour à la place de la cathédrale, un peu au nord, par Dong Khoi et là je marche carrément sur un tapis de confettis. J’en ai partout et comme j’ai chaud tout me colle à la peau. Je prends un taxi pour rentrer chez moi et je me déshabille sur la véranda.

Vous me lisez et dites aimer ce que j’écris car vous avez l’impression d’y être. J’ai hâte de lire vos chroniques, partez vous aussi, cette terre est si petite et nous sommes si peu, la moindre des choses est d’en faire le tour dixit Yourcenar. Je vous attends, les Vietnamiens vous attendent.

Je trouve que Québec, ma ville, est une des plus belles villes que j’ai vues, j’aime Montréal pour son multiculturalisme, j’aime mon pays de droits, le Canada.  J’ai trouvé magnifique le peu de France que j’ai vu, j’ai été envoûté par Haïti, j’ai la nostalgie d’Akono au Cameroun, et maintenant je suis en amour avec le Vietnam. Je crois que j’aurais dû être anthropologue, j’aime la vie.

À+

 

Un canadien bien tranquille

J’arrive d’une mission, comme on dit ici, qui m’a mené à Buon Me Thuot puis à Da Lat. Mon travail me conduit à aller dans des régions autour de Ho Chi Minh ville pour aider les enseignants de mathématiques qui y travaillent en français.

Situé dans les montagnes, à une heure d’avion de HCMville, Buon Me Thuot est une ville de 300.000 habitants où il y avait une base militaire américaine importante lors de la guerre. Selon l’histoire, c’est ici que le nord a remporté une victoire importante qui a été un point tournant dans la guerre. Saigon est tombé peu après.

Après le travail, nous sommes allés déjeuner, au sens français du mot, chez une des nombreuses minorités que compte le Vietnam dans le village de Ban Don. Au village, nous avons emprunté de nombreux ponts suspendus fait de bambous pour arriver à un espace couvert posé sur des pilotis plantés dans la rivière. Quelques enfants s’amusaient à jouer à Tarzan dans les inextricables lianes et racines qui nous entouraient.

Nous avons d’abord bu un alcool, un breuvage obtenu en versant de l’eau dans une jarre de terre cuite remplie d’herbes diverses qui ont macérées dans je ne sais quoi. On y boit en tirant sur de longues pailles de bambous qui sont fixées dans l’ouverture de la jarre. Plutôt bon au goût.

Assis au sol sur des nattes, on a mangé du riz gluant cuit dans des tubes de bambous posées sur un feu de braise, du poulet bon comme c’est pas possible, du porc et plein de légumes. Un délice pour un gourmand comme moi.

Puis on a pris la route pour Dalat, cinq heures pour parcourir 200 kilomètres sur des chemins de montagne sinueux encombrés, brisés et qui m’ont montré un des plus tristes reliquats de la guerre. Je voyais des collines nues, sans arbres et je pensais, qu’ici comme en Haïti, la population avait dû couper tous ces arbres pour en tirer l’énergie nécessaire à la cuisson des aliments et au chauffage. Mais j’ai appris que c’était l’agent orange, ce défoliant répandu par les américains, qui faisait encore des siennes après toutes ces années. Comme nous sommes imbéciles parfois les humains.

Dalat est situé à 1500 mètres d’altitude dans les montagnes. Un climat tempéré qui ressemble à chez nous l’été, un ciel d’un bleu éclatant et un air pur, si bon à respirer. Une belle ville construite autour d’un petit lac artificiel avec de larges avenues ombragées, des jardins horticoles et maraîchers en plein centre ville et des villas de style normand, breton etc. Les français ont édifié cette ville pour en faire un centre de villégiature. Il est bon de s’y retrouver après avoir vécu dans la chaleur torride et humide de HCMville.

On peut emprunter un téléphérique horizontal du sommet d’une des plus hautes collines de la ville pour, arriver trois kilomètres plus loin, à une Pagode aménagée en surplomb d’un autre lac. Cet endroit est si beau qu’on est pris de l’envie de se faire moine bouddhiste. Un viet kieu, un vietnamien vivant à l’étranger, a payé pour faire rénover cette pagode.

Nous avons été reçus comme des princes par les autorités du lycée et du Service d’éducation de la ville. Somptueux repas bien arrosés. J’y reviendrais bien m’y établir, c’est un véritable paradis.

Pourquoi un canadien bien tranquille comme titre ?

Un canadien qui vit à Dalat depuis quelques mois s’est joint à nous pour la soirée. Ce compatriote n’a pas cessé de tenir des propos désobligeants sur le Vietnam. Rien de beau dans ce pays sauf de rares choses, pas de vie culturelle, moeurs déplorables des vietnamiens, saletés etc. Tout ce qui ne ressemble pas à l’occident n’a pas grâce à ses yeux. Par exemple, il ne pouvait s’empêcher de tempêter lorsqu’un piéton vietnamien était sur la route devant notre véhicule. J’ai dû lui expliquer qu’ici la route était à tous et qu’on la partageait sans énervement entre piétons, cyclistes, pousse-pousse, motos, autos et camions et qu’ainsi on n’avait pas à craindre qu’un automobiliste enragé nous fonce dessus comme chez-nous. Il a alors compris, un peu, qu’on devait, avant de juger, essayer de trouver un sens à ce qu’on voit et qu’ainsi on s’épargne bien des frustrations et des erreurs. Canadien bien tranquille comme l’Américain bien tranquille, du roman de Graham Greene et du film éponyme qui croyait détenir une vérité pour laquelle lui-même et des centaines de milliers d’hommes, vietnamiens et américains, de femmes et d’enfants sont morts inutilement. On le sait aujourd’hui, la théorie des dominos était fausse. Un gâchis.