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Petite chronique d’un voyage de coopération au Vietnam

 

 

André Simard
Antenne de Ho Chi Minh ville
Bureau Pacifique-Asie
Agence universitaire de la francophonie

Impressionnant comme carte d’affaires, non ?

La veille, ma fille Caroline était chez Renaud-Bray pour m’y acheter le guide Lonely Planet sur le Vietnam. La vendeuse lui dit avoir offert le dernier à ses parents qui partent eux aussi pour le Vietnam le lendemain.

Dans la file d’attente, je parle avec ma voisine, Andrée, et lui raconte cela en lui disant qu’un couple dans cette même file a « mon guide » Elle me désigne une femme et un homme, Chantal et Jacques, un peu en avant de nous me disant c’est eux. Elle ne les connaissait pas mais ils lui avaient raconté la même anecdote un peu plus tôt. Tous les trois s’en vont à Chicago via Air Canada pour une correspondance vers Tokyo comme moi. J’irai par une autre compagnie aérienne qu’eux mais nous serons tous à bord du 747 de Japan Airlines.

À Tokyo, nos chemins divergeront, ce sera la Thaïlande pour Andrée et Hanoï pour Chantal et Jacques mais nous convenons, ce couple et moi, de passer Noël à Saïgon. Internet permettra de nous retrouver.

Je suis depuis peu à Saïgon et ces coïncidences m’étonnent encore. Trois personnes se croisent à Montréal dans la tête de leurs filles la veille d’un long voyage. Puis une quatrième les met en contact quelques minutes avant que leur chemin divergent pendant quelques heures, le temps de parcourir plus de 1000 km. Ensuite, pendant quatorze heures nous serons ensemble pour passer au-dessus du grand lac Michigan, la Saskatchewan, le nord de l’Alberta, les Territoires du nord-ouest, l’Alaska, la mer de Béring et finalement l’est de l’océan Pacifique jusqu’à Tokyo. 

Douze heures de décalage avec Montréal.

Puis à nouveau nos chemins divergent, Andrée ira à Bangkok, eux à Hanoi et moi à Saïgon.

Une vie en quelques heures, le temps de parler avec Andrée, une jolie pharmacienne qui voyage seule ; de parler à Chantal de physiothérapie et de St-Charles-Boromée ; de parler avec un américain d’origine Pakistanaise qui va à Karachi ; d’échanger avec un long et mince québécois à l’allure androgyne dont je ne pouvais savoir s’il était homme ou femme avant qu’il me parle de l’importation de bijoux et vêtements qu’il fait de l’Indochine ; d’assister à un imbroglio en anglais entre un vietnamien et une hôtesse japonaise ; finalement d’admirer ces hôtesses au teint plus frais à l’arrivée qu’au départ. Il y a cent ans, il y aurait eu matière à toute une vie. Marco Polo en 24 heures.

Je me sens bien.

À Saigon, ce qui frappe au premier abord c’est la pétarade incessante et harassante des millions (4 selon le Routard) de petites motos à faible cylindrée qui circulent dans les rues en passant aux carrefours, sans feux ni stop, sans s’arrêter, juste un certain ralentissement. On dirait quatre bancs de poissons qui se croisent sans se toucher, habiles à ralentir, à accélérer, à louvoyer, en glissant presque les uns contre les autres. Une fluidité extraordinaire qui nous fait comprendre un peu ce peuple. Imaginez-vous maintenant à une intersection et devoir la traverser à pied dans de telles conditions. Au départ, on n’ose pas mais lorsqu’il le faut, on se lance, on marche lentement en regardant de tous côtés et en faisant confiance à l’habileté des conducteurs. On ne peut que sourire de soulagement rendu de l’autre côté.

Cette ville est belle, de larges avenues bordées d’arbres immenses et longées de vieilles constructions coloniales ainsi que de récents palais célébrant les grandes victoires. Certains des immeubles sont de style « gâteau de noces » avec des teintes pastel et de nombreuses guirlandes de stuc. Étonnant mais j’aime mieux ça que le style Ceausescu. 

Les vietnamiens sont très, très, très nombreux mais aussi très courtois, aimables, rieurs et beaux. Des mouvements gracieux, des corps harmonieux, délicats mais sans maigreur. À l’école, les jeunes filles doivent porter en guise d’uniforme la longue tunique blanche, ao dai, sur un pantalon de même couleur. Les garçons une chemise blanche sur un pantalon marine. Très beau. Malgré la chaleur, il n’y a presque personne d’autre que les touristes pour porter des shorts. Chemise à manches longues et pantalon pour les hommes, costume traditionnel, plus rare, ou occidental pour les femmes. Le chapeau conique a cédé la place à la « calotte à palette » des jeunes de chez nous. Dommage. On ne voit pas de mendiants dans les rues et on n’est pas harcelé par des vendeurs de toutes sortes comme dans d’autres pays. Pas non plus trop de sollicitation ouverte pour la prostitution. On y est aussi en sécurité que chez nous, on ne sent pas de violence latente prête à exploser.

J’ai trouvé une maison à louer dans le district Phu Nhuan, dans une impasse qui prend sur la rue Huynh Van Banh. La topographie de la ville est inhabituelle pour nous. Pour vous faire une idée, revoyez en imagination des films chinois. Pour aller chez moi, de la rue, il faut emprunter une ruelle fermée la nuit par une porte cadenassée et, dans cette ruelle, il faut emprunter une courte impasse, la maison est là tout au fond derrière une haute grille de fer forgé. Un petit patio dallé et c’est la porte d’entrée, un rideau métallique large de cinq ou six pieds qu’on ouvre à la manière d’une porte de garage en le glissant vers le haut. Pour les motos. Au rez-de-chaussée, la cuisine, le salon, la salle à dîner et une salle de bain avec douche. À chacun des deux étages, une chambre à coucher avec salle de bain complète. Un quatre et demi dirions-nous au Québec avec des pièces l’une au-dessus de l’autre plutôt que l’une à côté de l’autre. La maison est neuve mais située dans un vieux quartier.

Quartier chic

Vers la fin de la matinée, j’ai marché le long de trois grandes avenues qui forment un triangle. Elles sont très larges et bordées d’arbres magnifiques et un peu partout il y a de petits jardins de plantes de différents tons de vert. Au travers, des fleurs rouges, jaunes etc. Il y a aussi à certains ronds-points des trames immenses de différentes formes faites de treillis métallique qui portent des centaines de pots de fleurs. Très joli. Tout en marchant j’ai constaté que le nombre de motos diminuait et que le nombre de Mercedes augmentait i.e. que j’allais vers un quartier chic. Je suis finalement arrivé à la Maison de l’opéra où s’achève la belle avenue Le Loi. Ici comme en France, de belles avenues naissent ou se terminent, c’est selon, à de beaux édifices. J’aime cette organisation de la ville. Ce théâtre abrite la compagnie de ballet et l’opéra. Très bel édifice de l’époque coloniale. à côté l’hôtel Continental où Graham Greene a situé l’action d’un « Américain bien tranquille ». Louez le film, vous verrez. Malraux, Hemingway y sont allés. Entre autres détails architectureaux, un sous-larmier de plus de trois mètres de large en lattes étroites de bois verni. J’y ai déjeuné ou dîné comme vous voulez. Grand service, bonne bouffe et petit prix, le bonheur quoi. Après j’ai emprunté l’avenue Nguyen Hue jusqu’à la rivière Saïgon. Je me suis arrêté à l’ombre d’une terrasse pour y boire un Diet Pepsi. Ça me rappelait les plus chaudes journées d’été de Québec, plus de 30 degrés. Beaucoup de touristes dans le coin. C’est un peu les alentours du Château Frontenac avec ses beaux restos et ses boutiques chics mais sans les hordes de japonais à appareils photos. Je suis finalement revenu à l’hôtel par l’avenue Ham Nghi. La portion de la rivière Saïgon que j’ai vue n’offre rien d’intéressant.

Je vous dis cela parce que j’ai pris ainsi conscience que mon hôtel n’est pas dans un quartier chic, il est plutôt dans le « St-Roch » d’il y a quelques années. C’est bien ainsi car je connaîtrai mieux cette ville et ses habitants. La maison que j’ai louée est aussi dans un quartier strictement vietnamien.

Au sud du quartier où je suis actuellement il y a le quartier dit des « routards » que fréquente les jeunes touristes sac au dos. En vietnamien on dit « thay balo » pour étrangers, thai, et ballots. Petits hôtels, maisons de chambres ou même des dortoirs à 1$ la nuit. Restos où l’on mange copieusement et bon pour moins de 2 $ avec une bière pour 50 sous.

Il y a beaucoup de mots vietnamiens qui sont des déformations du français comme ca phe pour café, sô cô la pour ce que vous devinez etc.

Encore les motos

Beaucoup des femmes et quelques hommes à moto portent des masques sur la bouche et le nez. On comprend aisément pourquoi. Un nombre important de femmes portent aussi de longs gants qui recouvrent entièrement leurs bras. Ici il est mal vu d’être bronzé, ça fait paysan. Ces paysans du Mékong sont d’ailleurs les « newfies » ou les belges des français à ce qu’on m’a raconté. On voit aussi des jeunes filles avec des souliers à talons très hauts, des bouts infiniment pointus et sans talonnade. Certaines conduisent avec la magnifique tunique vietnamienne, le panneau arrière ramené sur le devant des jambes. Ces tuniques sont faites à l’artisanale et très ajustées sur le corps. Le cou, les bras, le buste, la taille, les hanches, les fesses tout semble taillé et cousu au millimètre près. Comme les vietnamiennes ont de très beaux corps, elles peuvent se le permettre. On voit aussi au beau milieu de centaines de motos de rares cyclistes le dos bien droit qui avancent quasi aussi rapidement que les motocyclistes. Ho Chi Minh est une ville sans aucune pente, un plat pays comme dirait qui vous savez.

Les motos sont stationnées partout sur les trottoirs. Des gardiens y inscrivent un numéro à la craie sur la selle et vous remettent un petit papier avec le même numéro.

Comme je l’ai déjà écrit, les immeubles sont très étroits, trois ou quatre mètres mais hauts de quatre, cinq, six ou plus encore d’étages. Au sommet, on retrouve parfois un jardin couvert d’un toit soutenu par des colonnades à la grecque d’où l’effet encore plus saisissant de « gâteau de noces ». Il ne manque que les deux mariés de plastique. Je pense aussi que chacun est responsable de son bout de trottoir, qu’il en est comme le propriétaire et qu’il peut l’aménager comme ça lui plaît. Alors à tous les trois ou quatre mètres, le trottoir peut changer de hauteur, de pente plus ou moins forte et il peut être en ciment ou couvert de carreaux de céramiques de toutes les couleurs et formes possibles. On trouve aussi sur ces trottoirs des popottes roulantes qui servent le pho (dire phœ), de la viande grillée sur de petits BBQ au charbon, des tables basses et des tabourets pour les clients. Il est donc impossible de marcher à un bon rythme et l’on doit même souvent descendre dans la rue. On finit par se rendre compte que les vietnamiens ne marchent pas, ils roulent à moto. Marcher est un sport extrême ici. 

Je crois avoir deviné quelques règles de conduites. Dans les rues les voitures roulent à gauche et les motos à droite, alors lorsqu’une voiture doit tourner à droite, elle coupe le flot des motos. La seconde règle c’est que vous êtes responsable de voir à éviter ce qu’il y a devant vous, on ne regarde pas vers l’arrière peu importe la manœuvre à faire. La vitesse est de vingt à trente km/h. Lent et rapide car il n’y a pas d’arrêt. Lorsqu’on traverse une rue on avance lentement sans arrêter ni courir pour permettre aux motos et autos de nous voir, d’évaluer notre déplacement à venir et nous éviter. Affolant les premières fois. Aujourd’hui encore, rendu de l’autre côté de la rue, je ne peux m’empêcher de sourire un peu par nervosité et aussi par plaisir un peu adolescent.

Ho Chi Minh est une ville de commerce. Partout, de petits commerces de toutes sortes et des bouts de rue spécialisés. Sur quelques centaines de mètres ce sont des vendeurs de montres puis plus loin des vendeurs de valises et autres sacs à dos puis, plus loin encore quelques fruiteries etc. Des milliers de commerces qui se ressemblent tout au long des grandes rues et ainsi il est difficile de se retrouver, de se donner des repères.

L’anglais

Vingt heures trente, 9 décembre, j’écoute « Entre la jeunesse et la sagesse » des sœurs McGarrigle. J’arrive du « Happy Hour » du consulat canadien qui avait lieu au bar « Enigma » situé sur une petite rue derrière la Maison de l’Opéra. Des bouchées pur style canadian, que des anglophones, pas un mot de français dans un pays qui fait partie de la vaste francophonie. Désolant.

Au Vietnam se tiennent présentement les SEA GAMES, South East of Asia Games. Vous avez bien lu, en anglais comme tout le reste. Désolant. Les mannequins de plâtre dans les grands magasins ont des têtes de blanches et de blancs. Les affiches de produits de beauté représentent des blanches. C’est pourtant pas parce que les vietnamiennes et vietnamiens sont laids, tout au contraire. Désolant. New World Hôtel, World Trade Center, partout des néons en anglais.

Actuellement on voit apparaître des arbres de Noël, oui oui, avec les boules, les petites lumières colorées et tout en haut des Merry Christmas et Happy New Year. Une amie vietnamienne a deux garçons de dix et quatre ans à qui elle fait croire au Père Noël. Je n’ai pas osé pleurer lorsqu’elle m’a raconté cela.

J’ai reçu un calendrier mural en cadeau du lycée Marie-Curie, lycée où il y a des classes bilingues, vietnamien français. Tout en haut de la première page, on lit Happy New Year et le calendrier est bilingue, vietnamien et anglais ! Calendrier de douze mois à l’occidentale et non un calendrier lunaire. Il n’y a plus que les campagnes qui vivent au rythme de la lune. Désolant.

Il y a un Club Price, enfin l’équivalent, à Saïgon. Désolant. On préfère que vous payiez en US dollars plutôt qu’en dong. Pourtant c’est si agréable les dongs, à chaque fois que je vais au guichet automatique je me retire une couple de petits millions et mine de rien, je me sens pour la première et, vraisemblablement la seule fois de ma vie, millionnaire. C’est pas rien comme plaisir et je me sens « ben lousse », ça va me coûter plus de trente millions de loyer pour les prochains mois.

Ici comme en Afrique, on prend vraiment conscience que le centre de l’empire c’est l’Amérique, les USA et que tout ce qui vit en périphérie n’a qu’un désir, vivre comme on vit au cœur de l’empire. DÉSOLANT. Venez vite me voir avant que tout soit foutu.

Je suis pas anti-américain, ce serait être anti-moi, mais je n’aime pas cette uniformisation. Pendant combien d’années encore pourra-t-on acheter le pho dans les popottes roulantes à six heures le matin ?

Un ravissement

Cet après-midi je suis allé au lycée Le Hong Phong, grand roi vietnamien de la dynastie des Le. J’étais à la salle commune des enseignantes et enseignants pendant la pause qui dure 20 minutes. Il y avait là vingt ou trente enseignantes toutes vêtues de la tunique traditionnelle, ao dai, dire ao zy, zy prononcé à l’américaine. Un ravissement total. Des tissus, de la soie du basin et du synthétique, légers et translucides pour un grand nombre d’entre eux, colorés de tous les pastels possibles quoiqu’on voit aussi des rouges bordeaux, des bleus presque marines, et des verts olives, couleur que semblent apprécier les vietnamiennes. Un plaisir intense des yeux. Des motifs traditionnels ou de larges taches de couleur à la moderne, Mondrian, Riopelle, des pois de couleurs contrastés ou de délicates fleurs. Le raffinement. Ce matin, je parlais à deux enseignantes de mathématiques dont l’une, grande, très beau visage de madonne, peau soyeuse et cheveux longs noués sur la nuque par une fleur blanche de soie portait un ao dai rose saumon d’un tissus froissé et élastique pour mieux mouler. Ce tissus synthétique indien incrusté de broderies de fils or et gris est un des plus beau que j’ai vu. L’autre portait une tunique fleurie jaune pâle sur un pantalon blanc. Un jolie visage à la vietnamienne, cheveux noirs aux épaules, tout au plus un mètre cinquante, mince… Je leur ai dit que, sans vouloir être déplacé, je ne pouvais m’empêcher de leur faire savoir combien j’étais ébloui par tant d’élégance. Elles ont gracieusement souri. Les enseignantes doivent obligatoirement porter ce costume traditionnel et j’en suis fort heureux. C’est aussi souvent le cas dans les administrations et les banques. Ces tuniques très ajustés s’enfilent grâce à une ouverture qui va du col et longe l’épaule droite en descendant vers l’aisselle et se termine à la taille où la tunique est fendue en deux panneaux. Une multitude d’agrafes invisibles permettent de l’attacher. Le pantalon galbe bien les fesses et descend jusqu’au sol en s’élargissant pour couvrir entièrement les chaussures. Je l’affirme, un des plus élégants et sensuels vêtements de femmes à imaginer ou rêver. Ce vêtement, porté depuis très longtemps par les vietnamiennes, a reçu sa forme ajustée actuelle dans les années 1920 par un peintre. Il comporte une caractéristique que l’on ne remarque qu’à la longue ; le pantalon à mi-chemin entre les styles flare et palazzo s’attache à la taille, mais la tunique s’ouvre en deux panneaux environ trois pouces (7cm) plus haut et cela crée une ouverture d’où on peut apercevoir un triangle de peau de celle qui le porte. Mais cela a aussi un autre effet, la taille montrée par la tunique est plus haute que la vraie taille et cela donne l’illusion que la femme a un corps court et des jambes très longues. Examinez bien une poupée Barbie et vous comprendrez ce que je dis. Alors un vêtement très ajusté, qui cache tout du cou à la tête, ne dévoilant qu’un petit triangle de peau pour exciter le désir et qui fait de longues jambes avec, à la marche, un tissu qui vole autour, le plus beau vêtement de femme au monde. Comme on les fait presque sur le corps de l’acheteuse alors on peut difficilement en rapporter en cadeau. J’ai bien hâte de me pavaner au bras d’une élégante vietnamienne.

Resto 

Il y a des restaurants de toutes sortes à Ho Chi Minh ville. Les popottes de rue aux tables basses, de petites tables comme celles que l’on installe pour les enfants, les restos avec tables et chaises à l’intérieur mais portes et fenêtres ouvertes, les restos avec la clim (air climatisé) comme disent nos cousins français, les restos qui se disent français puis les salles à manger des grands hôtels et évidemment des hybrides de toutes ces catégories. Certains hôtels ont aussi des terrasses sur le toit avec vue sur la ville. Les prix vont de un ou deux dollars à 50 $ pour les plus chers. Plus les prix montent plus on est certain de voir des spaghettis et des burgers au menu. Les italiens ont conquis le monde avec leurs pizzas. Je cherche actuellement la meilleure en ville. Mangeriez-vous au resto vietnamien trois fois par jour et cela pendant sept mois. Si oui jetez-moi la pierre sinon…

Dès qu’il y a une porte au resto, quelqu’un est là pour nous l’ouvrir. Il y a souvent plus de serveurs ou serveuses que de clients. L’autre soir, j’étais seul dans un bon resto de fruits de mer et tout le personnel me tournait autour en surveillant mes moindres besoins pour les combler sur le champ. Je prenais une gorgée de bière et hop une serveuse venait remplir mon verre. C’est le service extrême et quelquefois j’aimerais un peu moins d’attention. Le pourboire doit être salé penserez-vous ? Pas du tout, il n’y a pas de pourboire ici selon la règle. J’en donnais et on m’a chicané. Je le fais en cachette. 

En arrivant au resto on nous remet une petite enveloppe plastifiée contenant une débarbouillette humide et parfumée aux herbes. Pour ouvrir cette enveloppe on la serre dans une main à une extrémité puis on donne un coup franc dans l’autre main pour la crever. Paf paf paf paf paf, ça vient de partout dans le resto. On est gêné au début de ce plaisir infantile puis on s’habitue. On se rafraîchit le visage et l’on nettoie ses mains. Plus raffiné que nos serviettes de papier, non ?

Dans les restos vietnamiens, il est d’usage de partager les plats. On se sert un peu de riz dans un bol puis on « grappille » dans les plats qui nous tentent. Porc, bœuf, poulet, crevettes, poissons, calmars (squid en anglais, je trouve que la sonorité de ce mot représente mieux le caractère de « hose de jardin » caoutchouteuse de cette animal marin). C’est convivial et ce partage me semble plus chrétien que nos habitudes de solitaire. On utilise l’extrémité fine des baguettes pour manger et se servir dans les plats communs, mais lorsqu’on veut donner un morceau à quelqu’un, on utilise, par politesse, l’autre extrémité celle que l’on a pas portée à notre bouche .

Ma connaissance toute québécoise de la cuisine vietnamienne me faisait croire que je mangerais ici des légumes nombreux et variés accompagnés d’un peu de protéines animales. Le contraire de chez-nous avec nos gros steaks et un peu de petits pois. Mais non, pas beaucoup de protéines mais avec du riz ou des vermicelles et peu de légumes. Si on veut des légumes, il faut les commander en plus.

La cuisine vietnamienne est délectable, odorante et goûteuse et je m’habitue aux baguettes. Il faut, selon une amie vietnamienne, arriver à manger des arachides avec les baguettes. L’autre soir, j’étais seul, on m’a servi des arachides dans un petit bol et je les ai mangées avec mes doigts. On a dû me prendre pour un paysan du Mékong. 

Il y a le pho dont je vous ai déjà parlé, cette soupe-repas que on peut prendre à tous les repas mais préférablement au petit-déjeuner. Chaque ville du Vietnam a son pho et un resto qui se respecte ne sert qu’une variété de pho. On les distingue par le type de vermicelle, les herbes qui les parfument, les viandes qu’on y ajoute et la préparation de celles-ci, bref il y a autant de phos au Vietnam que de fromages en France et tourtières du lac St-Jean au Québec. Je la mange au bœuf au petit-déjeuner le week-end. Très bon.

Un repas vietnamien est généralement composé de trois plats. Un plat principal de viande ou poisson ou fruits de mer accompagné d’un plat de légumes et enfin une soupe que l’on mange en dernier sauf si elle contient beaucoup de viande auquel cas on la mange simultanément au plat principal. Tous ces mets sont apportés sur la table en même temps avec du riz. À la fin du repas, on nous sert des fruits frais.

Deux curiosités pour finir. Ici il est courant de faire usage de cure-dents à table après le repas. On le fait en se plaçant une main devant la bouche. Autres lieux, autres mœurs.

Lors d’un retour

Après près de deux ans au Viet Nam dont une année complète à Nha Trang, je rentre au Québec pour deux mois.

Ce matin encore, après une heure de vélo, je suis allé à la plage vers 7h30. Le soleil est déjà haut dans le ciel tout bleu, je dirais presque comme à midi chez nous. Sept kilomètres de plage à peu près vide de monde. Sable doré, eau chaude sans vague. En entrant dans l’eau, je lance une poignée de diamants vers le soleil, le dieu Râ pour le remercier, puis je plonge. Une plage, des cocottiers, des parasols de chaumes, une baie avec des avancées de montagnes de chaque côté, des îles au large, quelques bateaux de pêcheurs dont ces curieuses barques rondes tressées. 

Chaque matin je m’émerveille et chaque fin d’après-midi je reviens y voir finir le jour. Je m’assois sur un banc à trente mètres du trottoir qui délimite le parc et la plage. Je regarde le paysage et les gens qui passent, surtout les jolies vietnamiennes qui peu à peu deviennent des ombres chinoises sur fond de ciel et de mer d’un bleu noir. Beautés dont je ne me lasse pas. C’est ma plus grande qualité, mon continuel ravissement devant la beauté. Un soir je sirotais une limonade à la terrasse du Sailing Bar, un bar magnifique en bord de mer, lorsque la lune s’est levée au-dessus de l’île Hon Tre. À un moment un mince filet de nuages l’a coupée en deux. Beau à pleurer. J’ai dit à la plutôt jolie serveuse de regarder. Après l’avoir fait elle m’a dit que j’étais « a romantic man » et elle me souriait. Elle a ainsi ajouté à la beauté du moment.

Mais je n’ai pas oublié la vue du fleuve assis au petit parc Montmorency derrière la Terrasse et la vue en contre-plongée, de la basse ville, du Château Frontenac vers cinq heures le matin lorsque le soleil le baigne de lumière. Beautés dont je profiterai à nouveau.

André SIMARD