Index des auteurs répertoriés

Kôbô ABE (Japon)

Ryûnosuke AKUTAGAWA (Japon)

Honoré de BALZAC (France)


Honoré BEAUGRAND (Québec)

Natasha BEAULIEU (Québec)

Jean-Paul BEAUMIER (Québec)


Michel BÉLISLE (Québec)

Frank BELKNAP LONG (États-Unis)

Bertrand BERGERON (Québec)

André BERTHIAUME (Québec)

Robert BLOCH (États-Unis)

Claude BOLDUC (Québec)

Jorge Luis BORGES (Argentine)

Ray BRADBURY (États-Unis)

Marcel BRION (France)

Jacques BROSSARD (Québec)

André CARPENTIER (Québec)

Roch CARRIER (Québec)

Jacques CAZOTTE (France)

Joël CHAMPETIER (Québec)

Pierre CHATILLON (Québec)

Hugues CORRIVEAU (Québec)

Julio CORTAZAR (Argentine)

Laurier CÔTÉ (Québec)

Mark Z. DANIELEWSKI (États-Unis)

Diane-Monique DAVIAU (Québec)

Wenceslas-Eugène DICK (Québec)

David DORAIS (Québec)

Frédérick DURAND (Québec)

Luc DUROCHER (Québec)

Ranpo EDOGAWA (Japon)

Hanns Heinz EWERS (Allemagne)

Gustave FLAUBERT (France)

Louis FRÉCHETTE (Québec)

Théophile GAUTIER (France)

Serena GENTILHOMME (France)

Bertrand GERVAIS (Québec)

Michel de GHELDERODE (Belgique)

Anne HÉBERT (Québec)

Robert Smythe HICHENS (Grande-Bretagne)

Ernst Theodor Amadeus HOFFMANN (Allemagne)

Victor HUGO (France)

Henry JAMES (États-Unis)

Franz KAFKA (République tchèque)

Stephen KING (États-Unis)

Dean Ray KOONTZ (États-Unis)

Selma LAGERLÖF (Suède)

Pamphile LE MAY (Québec)

Mathew Gregory LEWIS (Grande-Bretagne)

Eugène L'ÉCUYER (Québec)

Arthur MACHEN (Grande-Bretagne)

Andrée MAILLET (Québec)

Carmen MAROIS (Québec)

Richard MATHESON (États-Unis)

Claude MATHIEU (Québec)

Guy de MAUPASSANT (France)

Prosper MÉRIMÉE (France)

Gustav MEYRINK (Autriche)

Hugues MORIN (Québec)

Andrew NIEDERMAN (États-Unis)

Charles NODIER (France)

Pierre OUELLET (Québec)

Stanley PÉAN (Québec)

Jean-Jacques PELLETIER (Québec)

Edgar Allan POE (États-Unis)

Alexandre POUCHKINE (Russie)

Ann RADCLIFFE (Grande-Bretagne)

Jean RAY (Belgique)

Michel ROZENBERG (Belgique)

André RUELLAN (France)

SAKI (Hector Hugh MONROE) (Grande-Bretagne)

Claude SEIGNOLLE (France)

Patrick SÉNÉCAL (Québec)

Daniel SERNINE (Québec)

Mary W. SHELLEY (Grande-Bretagne)

Isaac B. SINGER (Allemagne)

Robert Louis STEVENSON (Écosse)

Bram STOKER (Irlande)

Peter STRAUB (États-Unis)

Koji SUZUKI (Japon)

Marie-Jo THÉRIAULT (Québec)

Yves THÉRIAULT (Québec)

Michel TREMBLAY (Québec)

Horace WALPOLE (Grande-Bretagne)

Evangeline WALTON (États-Unis)

Oscar WILDE (Irlande)

Émile ZOLA (France)

 


 

 

« Les yeux troubles » -- Claude BOLDUC (1994) (nouvelle)

Le protagoniste de cette nouvelle fait la rencontre, dans une bouquinerie, d'un homme qui le fascine et l'effraie à la fois. Presque forcé de le rencontrer, il en arrive à la conclusion qu'il est impossible que cet homme soit normal et que sa méchanceté a un prix... et qu'elle semble contagieuse.

L'intérêt de cette nouvelle de Bolduc réside surtout en ce qu'il y est fait un usage très abondant de la modalisation dont parle Todorov. Il s'agit d'une des rares nouvelles du recueil éponyme qui se rattache véritablement au fantastique plutôt qu'à l'épouvante dénudée de surnaturel.

(Claude Bolduc, « Les yeux troubles », dans Les yeux troubles et autres contes de la lune noire, Gatineau, éditions Vents d'Ouest, 1998, 170 p.)


« Dernière balade au clair de lune » -- Claude BOLDUC (1998) (nouvelle)

Jacques Morin s'ennuie chez lui, jusqu'à ce qu'il soit pris d'une envie folle de se rendre au cimetière pour exhumer le cadavre d'un homme, motivé par son intérêt exacerbé pour l'anatomie. C'est bien entendu une étrange surprise qui attend Morin dans le détour.

« Il faut laisser les morts en paix », retrouve-t-on comme présentation sur le boîtier de la version cinématographique de Simetierre de Stephen King. Cet adage s'applique aussi au récit de Claude Bolduc, la finale s'avérant particulièrement intéressante de ce point de vue...

(Claude Bolduc, « Dernière balade au clair de lune », dans Les yeux troubles et autres contes de la lune noire, Gatineau, éditions Vents d'Ouest, 1998, 170 p.)


« L'heure de bébé » -- Claude BOLDUC (1998) (nouvelle)

Richard est macho, vulgaire et très sexuel. Un soir qu'il part « à la chasse » à la femme qui assouvira ses désirs, il fait la rencontre d'une femme séduisante qui l'attire tout de go chez elle. Ce que Richard ignore, c'est que cette mère monoparentale a un bébé qui sort de l'ordinaire et qui éprouve des besoins qu'elle ne saurait combler à elle seule...

 

Longue nouvelle (± 50 pages), ce texte fait un brillant usage du principe de « la porte close » : le narrateur traite abondamment de l'horreur suscitée par le bébé du récit en limitant toutefois les détails quant à sa description, laissant le lecteur imaginer les sévices psychologiques que doit subir Richard, le protagoniste, dans l'attente de la prochaine visite de cette créature que la mère appelle « bébé » mais qui n'a rien, véritablement, d'un enfant comme les autres. Fait à noter, cette nouvelle présente par moments des scènes ou des allusions, de la part du protagoniste, à caractère pornogaphique.

(Claude Bolduc, « L'heure de bébé », dans Les yeux troubles et autres contes de la lune noire, Gatineau, éditions Vents d'Ouest, 1998, 170 p.)


« La Bouquinerie d'Outre-Temps » -- André CARPENTIER (nouvelle) (1978)

Luc Guindon est historien. Un jour, il fait la découverte de la Bouquinerie d'Outre-Temps, dans la rue Saint-Denis à Montréal, lui qui pourtant royait connaître toutes les librairies de livres usagés de la métropole. Il y fait l'achat d'un livre rare pour un prix dérisoire. Fier de son coup, Guindon constate, une fois chez lui, que sa facture est datée de.. 1878 -- un décalage de 100 ans !

 

L'intérêt de cette nouvelle réside en ce que l'auteur y exploite un thème que Louis Vax appelle l'altération du temps : la bouquinerie sert de portail permettant de passer de 1978 à 1878.

(André CARPENTIER, « La Bouquinerie d'Outre-Temps », dans Rue Saint-Denis, Montréal, éditions Bibliothèque québécoise, ????????????)


« Le réveille-matin » -- Roch CARRIER (1964) (nouvelle)

Un homme constate avec stupéfaction que son réveille-matin s'anime et se montre capricieux au point de réclamer toute l'attention.

Nouvelle très courte (à peine trois pages), ce récit montre qu'il est possible dans le fantastique d'évacuer la peur et de la remplacer par d'autres sentiments qui trahissent autant la déstabilisation du personnage-témoin devant le phénomène insolite.

(Roch Carrier, « Le réveille-matin », dans Jolis deuils, 1999 (c1965), Montréal, éditions Stanké, 180 p.)


« La mémoire du lac » -- Joël CHAMPETIER (1994) (roman)

Daniel Verrier a connu la tristesse sans fond : ses deux enfants se sont noyés dans le lac Témiscamingue. Depuis, sa vie est un enfer : en plus d'avoir à apprivoiser la vie sans son fils et sa fille, il doit également composer avec le départ de sa femme, qu'il exaspère. Au moment où Daniel entame la remontée de la pente, il découvre un secret bien gardé dans la région du Témiscamingue : le manoir Bowman, immense demeure qui surplombe le lac, recèle des horreurs pires encore que celles dont Verrier a été témoin.

 

Un aspect intéressant de ce roman de Joël Champetier est que l'auteur situe son histoire dans une région éloignée, l'Abitibi. Ainsi, le lecteur a accès à de superbes descriptions du paysage de la région natale de l'auteur, qui est directeur littéraire de la revue Solaris. La réussite du roman tient du fait que l'écrivain fait intervenir ici divers ingrédients qui sont des valeurs sûres : l'émotion dont est chargé Verrier, le père éploré qui n'a plus rien à perdre ; un vieux manoir intimidant et énigmatique ; une légende amérindienne racontée par une vieille femme de la réserve du comté ; un fou du village, Éric Massicotte, dont la présence inopportune là où se trouve le protagoniste n'est pas fortuite...

(Joël Champetier, La mémoire du lac, Lévis, éditions Alire, 2001 (c1994), 274 p.)


« La peau blanche » -- Joël CHAMPETIER (1997) (roman)

Thierry est un jeune Français venu étudier la littérature à l'UQAM en raison de son amour pour les pièces de Michel Tremblay. Il met peu de temps à s'amouracher d'une jeune musicienne du métro, Claire, qui mérite beaucoup mieux. Au fur et à mesure que se développe une relation passionnée entre eux, Thierry s'aperçoit que son amoureuse, ses soeurs et sa mère ont un comportement des plus étranges... Et comment se fait-il qu'aucun homme ne gravite autour de cette famille monoparentale ?

 

Pas le plus réussi des romans de Champetier, La peau blanche développe le thème des succubes en metant l'accent sur un double refus : celui de Thierry d'accepter que sa copine appartienne à cette espèce et celui de Claire de succomber aux bassesses qui incombent aux femmes de sa race.

(Joël Champetier, La peau blanche, Lévis, éditions Alire, 1997, 241 p.)


« La maison des feuilles » -- Mark Z. DANIELEWSKI (roman ) (2000)

Will Navidson et sa famille vivent à Ash Tree Lane, en Virginie. La maison qu'ils habitent présente toutefois des propriétés bizarres : Navidson, cinéaste amateur, constate qu'elle semble plus vaste de l'intérieur que ce que l'extérieur n'indique.

Ce roman est sans aucun doute possible le plus original qu'il m'a été donné de lire, du point de vue de la forme, de la présentation visuelle. L'auteur est le fils d'un cinéaste d'avant-garde, et il est clair qu'il s'est donné comme mission d'écrire un roman à la facture visuelle révolutionnaire. D'abord publié dans Internet, La maison des feuilles a trouvé preneur chez un éditeur new-yorkais, malgré quelques réticences. Résultat : le roman s'est écoulé à 2000 exemplaires en une semaine !

Si l'histoire présente un certain intérêt, ce n'est pas le contenu de cette oeuvre qui capte l'attention. En fait, le récit comporte, il faut l'avouer, des longueurs -- le roman fait près de 700 pages ! Les niveaux de narration y sont nombreux : Danielewski joue la carte de l'authenticité pour « vendre » l'idée de son roman. D'ailleurs, nombre de fois dans le roman retrouve-t-on des « témoignages » ou des « analyses » physiques, physiologiques et/ou psychologiques de ce qui constitue le récit principal, question de légitimer l'histoire de Navidson. Le narrateur principal est un certain Johnny Errand, qui récupère les notes d'un certain Zampano, vieil aveugle décédé, qui lui-même raconte ce qu'il a vu dans le Navidson Record, le film-maison qu'a réalisé Will Navidson au cours duquel il mène quelques expéditions dans sa propre maison (!), question d'élucider le mystère de son étendue.

La facture visuelle de ce livre est complètement éclatée : le récit principal occupe quelques centaines de pages et est entrecoupé de TRÈS LONGUES notes infrapaginales qui sont ou bien des commentaires de Zampano sur ses propres notes, ou bien le récit de vie de Johnny Errand, qui lui-même éprouve quelques problèmes psychologiques, ou bien des notes de l'éditeur (qui joue lui aussi la carte de l'authenticité), ou bien des notes du traducteur, ou bien encore des références bibliographiques parfois fictives, parfois réelles ! Vers le milieu du roman, les pages se divisent littéralement en découpures de notes présentées de guingois, à l'envers, de part et d'autre de la page, et certaines notes de bas de page doivent même être lues à rebours (débutant par exemple à la p. 250 et se poursuivant respectivement aux pages 249 et 248 !). Plus loin, question d'appuyer le trouble qui gagne les personnages partis en expédition dans la maison, les pages ne présentent que quelques mots, un peu comme on en verrait dans un recueil de poèmes, sauf qu'ici, l'utilité d'une telle façon de faire est de reproduire l'écho, le vide que trouvent les protagonistes dans l'étrange demeure, ainsi que la désorientation, la chute. 

Pour tout amateur de fantastique qui veut être transporté violemment de gauche à droite en ayant parfois l'impression d'être écarté du chemin principal, La maison des feuilles est d'une absolue nécessité, ne serait-ce que pour ébranler sa conception de ce qu'est un roman. Seule ombre au tableau, le prix du livre : en version française, il se vend environ 50 $ aux éditions Denoël.

(DANIELEWSKI, Mark Z. La maison des feuilles, Paris, éditions Denoël et d'ailleurs, 2002 (c2000), 709 p.)



« Au rendez-vous des courtisans glacés » -- Frédérick DURAND (2004) (roman)

Érik, modeste employé d'un club vidéo de Trois-Rivières et cinéphile averti, met la main sur un film à petit budget qui paraît être très pauvre et particulièrement mauvais : Au rendez-vous des courtisans glacés. Érik et ses amis -- des rockers et des satanistes aux moeurs débridées, rien de moins -- visionnent le film et, étonnamment, semblent toujours éprouver le désir d'y revenir, et ce, malgré sa piètre qualité. Désireux d'en apprendre davantage sur Edwige Dietrich, la réalisatrice, Érik et ses acolytes se rendent à Montréal... pour assister au pire.

 

Ce roman de Frédérick Durand est son premier destiné à un lectorat adulte. Peut-être pour se distancer du lectorat jeunesse qu'il a séduit pendant une dizaine d'années, Durand accorde une place très (trop) importante à la sexualité libre de toute contrainte de ses personnages. S'il est une tare qu'il faut noter au sujet de ce roman, c'est sans doute ce dernier aspect : on comprend que l'auteur a voulu montrer que ses personnages sont ouverts d'esprit et avides de sensations fortes, mais était-il bien nécessaire d'insister autant sur cette caractéristique, certains passages semblant être sortis directement de films pornographiques ? Cela dit, Au rendez-vous des courtisans glacés est un récit imaginatif qui entraîne personnages et lecteurs dans un monde parallèle : l'univers mental d'Érik et de sa bande. Pour les amateurs (avertis) de sexe, drogue et rock n' roll !

(Frédérick Durand, Au rendez-vous des courtisans glacés, Longueuil, La Veuve noire éditrice, 2004, 344 p.)


« Les enfants du sabbat » -- Anne HÉBERT (1975) (roman)

Soeur Julie de la Trinité est sur le point de faire ses voeux, dans un couvent de Québec. Nous sommes en 1944. Seulement, soeur Julie ne peut s'empêcher de revoir des images de son passé -- des images du sabbat auquel se sont adonnés sa mère, Philomène, et son père, Adélard, qui ne sont autres qu'une sorcière et le diable en personne ! Fille du diable, Julie s'avère être elle aussi une sorcière qui prend un malin plaisir à troubler la paix du couvent.

Formidable texte du point de vue de la narration : on assiste, d'un bout à l'autre du roman, et au sein d'un même chapitre, à des changements de narrateur -- et rien ne les annonce. De plus, le roman d'Hébert est empreint de la poésie narrative typique de l'auteure. Tout y est fait en subtilités.

(Anne Hébert, Les enfants du sabbat, Paris, éditions du Seuil, 1975, 185 p.)

 


« Le tour d'écrou » -- Henry JAMES (1898) (roman)

Miles et Flora sont d'adorables enfants, bien élevés, dont une gouvernante a la charge, puisqu'ils sont orphelins. La narratrice se rend toutefois compte que derrière ces visages angéliques se cachent des êtres maléfiques : les enfants sont possédés de l'esprit de deux anciens résidents de Bly, la ville où l'action se déroule : Peter Quint et Miss Jessel. Quint, ancien valet, menait, semble-t-il, une vie de débauche et a pour but de corrompre le petit Miles, tandis que Miss Jessel, la prédecesseure de Mr.s Grose (la narratrice) a entretenu une relation illicite avec Quint et possède désormais la petite Flora.

 

Malgré la renommée de ce roman d'un des maîtres américains du XIXe siècle, Le tour d'écrou déçoit à maints égards : les manifestations surnaturelles surviennent assez tard dans le récit et quand elles ont lieu, mis à part peut-être un passage du roman, on n'insiste pas suffisamment sur la description des phénomènes ni sur les réactions des personnages. Pour l'amateur de fantastique contemporain, il est impossible de lire Le tour d'écrou sans revoir quelques scènes du film Les autres -- quoique le film mettant en vedette Nicole Kidman me semble supérieur au roman de James.

(Henry James, Le tour d'écrou, Paris, éditions Stock, collection Bibliothèque Marabout, 1968 (c1898), 188 p.)


« Ça » -- Stephen KING (1985) (roman)

Dans la petite ville de Derry, dans le Maine, sept jeunes d'une douzaine d'années assistent à la matérialisation de leur peurs les plus viscérales. Près de trente années plus tard, le phénomène refait des siennes, alors que tout le monde croyait l'avoir éradiqué dans les années 1950...

 

Ça est une des oeuvres les plus colossales de King : un roman-fleuve de plus de 1500 pages en format de poche ! Il s'agit d'une histoire qui déborde les simples confins du fantastique : récit des peurs mais aussi des joies de l'enfance, éloge de l'amitié indéfectible, admission des amours secrètes de la prépuberté. Si la fin déçoit quelque peu, donnant l'impression que l'auteur a manqué de souffle, la lecture vaut le détour, ne serait-ce que pour constater à quel point Stephen King, quoi qu'en dise la critique, est pourvu d'un extraordinaire don de conteur.

(Stephen King, Ça, Paris, éditions J'ai Lu, 1985, 1500 p. (3 tomes).)


« Simetierre » -- Stephen KING (1983) (roman)

Louis Creed et sa petite famille emménagent dans une petite ville du Maine.Le gentil voisin d'en face, le vieux Jud Crandall, fait découvrir aux Creed que leur maison est sise à proximité d'un vétuste cimetière amérindien aux propriétés... étranges. Après un tragique accident qui touche de près la famille Creed, Louis vit de près l'expérience du cimetière micmac.

 

Voilà une des meilleures oeuvres de Stephen King, à mon humble avis. Simetierre -- la faute d'orthographe est volontaire -- est un roman-fleuve qu'on dévore pour la relation amicale qui se développe entre Louis et Jud, mais surtout pour être témoin du processus d'apprivoisement de la mort que vivent les personnages. Un classique de King qui est certes un de ses romans les plus effrayants !

(Stephen King, Simetierre, Paris, éditions J'ai Lu, 1985 (c1983), 571 p.)


« Brume » -- Stephen KING (1985) (nouvelle)

Prisonniers dans un supermarché à la suite d'un orage électrique, des citadins sont témoins de l'apparition d'une brume épaisse qui abrite des créatures plus horribles les unes que les autres.

Superbe et longue short story de King (environ 185 pages), « Brume » est une pièce d'anthologie quant à la façon d'exploiter le huis clos dans le fantastique. Le lecteur apprend à connaître les personnages, même s'ils sont nombreux, il est témoin de récits parallèles et vit avec eux la réclusion, la séquestration. Un des textes maîtres de Stephen King.

(Stephen King, « Brume », dans Brume. Paranoïa, Paris, éditions J'ai Lu, 1987 (c1985), 411 p.)


« Le radeau » -- Stephen KING (1985) (nouvelle)

Deux jeunes couples  partent à la plage dans l'espoir de prendre le radeau, de partir au large et de s'amuser ferme. Les plans sont contrecarrés lorsqu'ils prennent connaissance de la présence d'une énorme mare noire qui flotte à la surface de la rivière et qui entreprend de leur mener la vie dure.

Récit typique de King : une chose d'apprence insignifiante -- ce qui ressemble à une mare de mazout, comme le supposent les personnages -- prend vie et est animée d'un désir de donner la mort. La finale est particulièrement réussie...

(Stephen King, « Le radeau », dans Brume. Paranoïa, Paris, éditions J'ai Lu, 1987 (c1985), 411 p.)


« La part des ténèbres » -- Stephen KING (1989) (roman)

Thaddeus Beaumont est un écrivain qui a connu la gloire sous le pseudonyme de George Stark. Seulement, il est temps d'assumer son identité et de s'affranchir du masque : Beaumont décide, dans une mise en scène extravagante, d'organiser l'enterrement de Stark, révélant au public qui il est vraiment. Le pseudonyme prend vie et décide de faire un mauvais parti à son créateur, constituant sa « part des ténèbres » et commettant des meurtres crapuleux dans le but d'incriminer Beaumont.

Reprenant le thème du double, King y va ici d'un récit inspiré de ce qu'il a vécu en tant que « double auteur » : pendant que Stephen King publiait nombre de récits fantastiques et/ou d'horreur, Richard Bachman (l'autre identité de l'auteur du Maine) publiait des thrillers dépouillés de la dimension fantastique. L'imagination de King est ingénieuse encore ici.

(Stephen King, La part des ténèbres, Paris, éditions Albin Michel, 1990 (c1989), 463 p.)


« Roadmaster » -- Stephen KING (2002) (roman)

La police de la Pennsylvanie occidentale est aux prises avec un bolide, une Buick 8 d'un certain âge, qui semble investie de pouvoirs particuliers. Dans le hangar où on la garde, chaque être qui entre en contact avec le véhicule mystérieux en ressort horrifié et/ou horrifiant.

En apparence, ce récit ressemble à maints égards à Christine, roman que King a publié au cours des années 1980 et qui a été porté au grand écran. Roadmaster est toutefois un pâle émule de l'autre récit de King dans lequel une automobile est pourvue de pouvoirs. Roadmaster fait 600 – 400 de trop, à mon humble avis. Le seul intérêt du récit réside en ce que le lecteur a accès à divers narrateurs, qui se partagent la tâche de raconter les faits. Ce n,est malheureusement pas assez pour faire de ce livre une oeuvre digne de ce qu'a été Steohen King, au cours des 15 premières années de sa carrière.

(Stephen King, Roadmaster, Paris, éditions Le Livre de poche, 2004 (c2002), 606 p.)


« La mort exquise » -- Claude MATHIEU (1965) (nouvelle)

Le vénérable botaniste Hermann Klock redécouvre une plante appelée Carnivora Breitmannia, au nom de laquelle il souhaite ajouter son patronyme : Carnivora Breitmannia Klockia. Petit à petit, Klock perd la notion de ce qui l'entoure et se sent attiré, « appelé », presque, par la plante séductrice.

 

Chef-d'oeuvre autant du point de vue du fantastique que du point de vue du genre qu'est la nouvelle, ce texte de Claude Mathieu fait partie des classiques québécois du fantastique, malgré le fait qu'il soit tristement méconnu. Malgré qu'il soit très court, le texte crée un effet de spirale qui attire aussi bien le lecteur que le protagoniste dans un univers à la fois inquiétant et ô combien séduisant. L'écriture de Mathieu est savoureuse et prouve que fantastique et littérarité peuvent cohabiter.

(Claude Mathieu, « La mort exquise », dans La mort exquise, Québec, éditions L'Instant Même, 1997 (c1965), 108 p.)


« Les dîners chez Rachel » -- Claude MATHIEU (1965) (nouvelle)

Rachel est une femme adorable qui invite régulièrement à dîner bon nombre d'amis plus excentriques les uns que les autres. Puisqu'elle a vécu les atrocités de la Deuxième Guerre, Rachel souhaite se faire plaisir en bonne compagnie. Seulement, depuis quelque temps, Rachel a changé d'humeur et le narrateur constate pourquoi.

 

Ce texte ne me semble pas appartenir en propre au fantastique, pour la simple raison que Lise Morin affirme, dans son ouvrage intitulé La nouvelle fantastique québécoise de 1960 à 1985, que le surnaturel doit occuper une part significative du récit pour qu'on considère ce dernier comme partie intégrante du fantastique. Dans « Les dîners chez Rachel », le surnaturel survient à la toute fin, donc... Bref, cette nouvelle pourrait faire l'objet d'une discussion intéressante.

(Claude Mathieu, « Les dîners chez Rachel », dans La mort exquise, Québec, éditions L'Instant Même, 1997 (c1965), 108 p.)


« Le pèlerin de Bithynie » -- Claude MATHIEU (1965) (nouvelle)

Mark Cecil Black, professeur d'université, parvient à dénicher dans une librairie d'occasion un ouvrage ancien des plus rares -- en fait, il s'agit de l'exemplaire unique qui est disponible dans le monde ! Qui plus est, Black obtient l'objet rare pour un prix dérisoire. Il n'en faut pas plus pour lancer sa quête en Bithynie, le professeur de langues classiques étant à la recherche de la vérité : le livre d'occasion qu'il s'est procuré est-il véritablement ce qu'on dit qu'il est ?

 

Récit qui a peut-être inspiré André Carpentier à écrire « La Bouquinerie d'Outre-Temps », cette nouvelle de Mathieu entraîne le lecteur das une contrée lointaine et le laisse à califourchon entre deux époques. Sans être le meilleur texte du recueil, « Le pèlerin de Bithynie » offre des éléments intéressants.

(Claude Mathieu, « Le pèlerin de Bithynie », dans La mort exquise, Québec, éditions L'Instant Même, 1997 (c1965), 108 p.)


« L'auteur du Temps d'aimer » -- Claude MATHIEU (1965) (nouvelle)

Jean Gautier était un auteur dont le succès provenait de la publication d'un poème de quelque 400 alexandrins intitulé Le Temps d'aimer. Le narrateur écrit, dit-il, pour « laver le souvenir de Jean Gautier des ordures dont on a sali l'écrivain peu de temps avant sa mort » (p. 73). Le lecteur découvre que Jean Gautier serait en réalité la réincarnation d'un auteurqi aurait vécu 100 ans avant lui !

 

Le thème de l'altération du temps, tel que l'appelle Louis Vax, semble cher à Mathieu, puisque c'est encore de cela qu'il est question ici. Cette nouvelle, ainsi que « La mort exquise », fait partie de l'Anthologie de la nouvelle fantastique québécoise du XXe siècle qu'a publiée Maurice Émond dans les années 1980.

(Claude Mathieu, « L'auteur du Temps d'aimer », dans La mort exquise, Québec, éditions L'Instant Même, 1997 (c1965), 108 p.)


« L'homme à qui il poussait des bouches » -- Jean-Jacques PELLETIER (1994) (roman)

Un homme se lève un matin pour constater qu'il est incapable d'ouvrir la bouche : des broches, qu'il ne se souvient pas d'avoir fait installer par un dentiste, l'en empêchent. Pendant environ une semaine, le personnage entreprend la rédaction de son histoire, incapable qu'il croit être de la raconter à son épouse lorsqu'elle sera de retour de voyage. La rédaction du récit consiste à la fois en un compte rendu des événements mais surtout, comme c'est le propre du fantastique, en une tentative d'explication de ce qui s'attaque au personnage, qui bientôt voit apparaître des bouches sur diverses parties de son corps !

 

Ce court roman de Pelletier, qui donne surtout dans le roman d'espionnage depuis, présente deux aspects des plus intéressants du point de vue de la narratologie : d'une part, le pronom d'usage dans le récit est un VOUS qui semble impliquer le lecteur dans l'histoire affolante dès l'incipit ; d'autre part, l'histoire est racontée... au conditionnel ! Le choix du temps des verbes devient ici un élément important de ce que Todorov appelle la modalisation : tout ce qui contribue à contaminer le lecteur du doute qui habite le personnage témoin du surnaturel.

(Jean-Jacques Pelletier, L'homme à qui il poussait des bouches, Québec, éditions L'instant Même, 1994, 104 p.)

 


« La chute de la maison Usher » -- Edgar Allan POE (1839) (nouvelle)

Roderick Usher invite son vieil ami, le narrateur du récit, à venir lui tenir compagnie dans son manoir familial. Usher est affecté par la maladie de sa soeur, Madeline. Rapidement, le narrateur constate que tout ne tourne pas rond dans la maison Usher et qu'il doit s'en échappe, s'il souhaite préserver sa santé mentale.

Un des textes les plus importants de Poe, « La chute de la maison Usher » est un chef-d'oeuvre du fantastique. Prenant comme point de départ le thème du manoir hanté, typique de l'époque gothique, la nouvelle est un modèle de description méthodique des lieux, des ambiances et des pesonnages. Poe connaissait à l'avance la chute de ses nouvelles, et « La chute de la maison Usher » en est un exemple patent, puisque tout ici converge vers la « chute » tant attendue ; tout, dans ce texte brillant, revêt une utilité.


"William Wilson" -- Edgar Allan POE (1839) (nouvelle)

William Wilson, personnage troublé s'il en est un, s'aperçoit qu'un double de lui-même existe et revendique son identité dans la ville où il demeure.

 

Belle illustration du thème du double -- quelque 50 ans avant que Guy de Maupassant ne fixe le modèle de ce thème au moyen du "Horla" --, "William Wilson" témoigne de l'angoisse propre à l'humain qui rencontre l'Autre, cette part de lui-même qu'il souhaite voir rester enfouie au plus profond de soi. Cette nouvelle de Poe offre un clin d'oeil au lecteur intéressé par l'onomastique : saura-t-il trouver le sens que Poe a (peut-être) souhaité attribuer au nom de son protagoniste ?



« Desseins » -- Michel ROZENBERG (2003) (nouvelle)

Daniel Wein est dessinateur. Un inconnu le recrute pour un travail énigmatique qui a lieu à son domicile. On demande à Daniel de dessiner certaines scènes de la vie courante. À son grand désarroi, Daniel se rend compte que ses croquis sont en fait annonciateurs de ce qui se produira dans la réalité.

Ce récit n'est pas sans rappeler Sur le seuil de Patrick Senécal : le protagoniste est doté d'une forme de prescience qui se traduit par des morts tragiques. La nouvelle est bien écrite, mais n'est certes pas la meilleure du recueil de Rozenberg.

(Michel ROZENBERG, « Desseins », dans Altérations, 2006(c2003), Oulon (France), éditions Nuit d'avril, 158 p.)


« Le visiteur » -- Michel ROZENBERG (2003) (nouvelle)

Marc Van Haelen invite divers personnages plus ou moins assortis aux autres à une soirée particulière, où chacun devra raconter une histoire d'horreur. On frappe à la porte : surgit un homme mystérieux que personne n'attend. Il a le teint blafard, est de noir vêtu... et détient un charisme et un pouvoir indicibles. Surtout, l'étranger déteste que l'on blasphême – c'est-à-dire que l'on parle en mal des vampires.

Sous des airs de cliché, cette nouvelle est intéressante, ne serait-ce que parce qu'à aucun endroit dans le texte le narrateur n'indique que le visiteur appartient bel et bien à la race des vampires. Le texte pourrait donner lieu à une analyse des propriétés conférées à l'étranger, que l'on pourrait comparer avec des classiques du genre.

(Michel ROZENBERG, « Le visiteur », dans Altérations, Oulon (France), éditions Nuit d'avril, 2006 (c2003), 158 p.)



« Le paquet » -- Michel ROZENBERG (2003) (nouvelle)

Un homme sans emploi est embauché mystérieusement dans une espèce d'usine où l'on classe puis expédie des colis dont le contenu n'est pas révélé. Le protagoniste s'étonne alors de constater que ses confrères de travail disparaissent les uns après les autres, jusqu'à ce qu'il découvre que ces paquets recèlent... des morceaux de  corps humain.

Nouvelle qui fait penser à certaines de celles que publiaient les auteurs qu'Alfred Hitchcock réunissait dans les dizaines de recueils qui sont parus aux éditions Presses Pocket, en langue française. Le personnage qui est témoin de l'insolite est prisonnier de son savoir et le lecteur devine qu'il n'en sortira pas indemne...

(Michel ROZENBERG, « Le visiteur », dans Altérations, Oulon (France), éditions Nuit d'avril, 2006 (c2003), 158 p.)




« Transition » -- Michel ROZENBERG (2003) (nouvelle)

Un psychiatre s'affole en entendant le récit singulier d'un patient au visage familier.

Nouvelle qui n,est pas la plus intéressante du recueil Altérations. Le phénomène présenté ici est le passage (d'où le titre) d'un corps à un autre.

(Michel ROZENBERG, « Le visiteur », dans Altérations, Oulon (France), éditions Nuit d'avril, 2006 (c2003), 158 p.)

 




« Le cadre » -- Michel ROZENBERG (2003) (nouvelle)

Un homme lit les lettres qu'une femme a adressées à son amant, l'amant en question se trouvant à être le meilleur ami du narrateur-personnage. Rapidement, l'homme se rend compte du pouvoir dont est apparemment chargé le cadre qui orne un des murs de la chambre d'où écrit la femme.

Ce récit est certainement un des plus intéressants du recueil, du point de vue de la succession des événements qu'on y trouve. Entre autres, l'impuissance du protagoniste, que son meilleur appelle à l'aide, déclarant recevoir des lettres de lui, alors que le protagoniste est dans l'incapacité de faire quoi que ce soit pour son ami.

(Michel ROZENBERG, « Le visiteur », dans Altérations, Oulon (France), éditions Nuit d'avril, 2006 (c2003), 158 p.)



"Sur le seuil" -- Patrick SÉNÉCAL (1998) (roman)

Thomas Roy, l'écrivain le plus adulé au Québec, est victime d'un phénomène affolant : chacune des atrocités qu'il met en scène dans ses romans se produit dans la réalité ! Paul Lacasse, psychiatre chargé de s'occuper de Roy, qui est interné après avoir tenté de se suicider, est appelé à combattre ses démons personnels, mais aussi la tentation de croire l'écrivain vedette.

 

Dans un roman où science et religion tentent de rationaliser ce qui ne peut l'être, Patrick Sénécal se révèle enfin comme le chef de file du récit d'horreur au Québec. Sur le seuil est un roman mené de main de maître qui mélange divers ingrédients d'une recette à succès : le thème de la prescience, l'intervention diabolique de la religion, l'hémoglobine et... l'enfantement ! Roman très solide, l'oeuvre de Sénécal a été portée à l'écran en 2003 par Éric Tessier et mettait en vedette Michel Côté et Patrick Huard.

(Patrick Sénécal, Sur le seuil, Lévis, éditions Alire, 1998, 429 p.)


« Dans ses yeux une flamme » -- Daniel SERNINE (2005) (nouvelle)

Alain Savard est un homme qui se tient au café L'artiste et que tout le monde apprécie. Surtout, c'est son talent de poète que l'on admire. Seulement, Savard devient l'illustration même de ce que veut dire " le feu de la passion " : il est victime, devant les yeux du narrateur-personnage, de combustion spontanée !

Ce récit de Sernine, de longueur moyenne (plus ou moins 15 pages), est intéressant en ce qui a trait à son caractère poétique, mais aussi parce qu'il fait intervenir un phénomène surnaturel étonnamment peu abordé dans le fantastique, la combustion spontanée. Toutefois, il est peu question de ce phénomène, ce dernier se produisant tout à la fin du récit et laissant peu de temps au narrateur et aux personnages secondaires de réfléchir à son sujet.

(Daniel Sernine, « Dans ses yeux une flamme », dans Maure à Venise, Gatineau, éditions Vents d'Ouest, 2005, 160 p.)


« Les portes mystérieuses » -- Daniel SERNINE (2005) (nouvelle)

Mireille est à Paris pour rencontrer une amie. Le hasard fait qu'elle la rencontre dans un endroit public, alors pourtant qu'il y a des millions de résidents à Paris !  Rapidement, Mireille en vient à trouver que les coïncidences -- qu'il s'agisse du fait qu'elle et son amie Johanne, qui se connaissent depuis leurs années d'école, se rendent compte après  tant d'années seulement qu'elles ont une cousine commune, ou encore du fait que Mireille croit apercevoir le reflet de son arrière-grand-mère dans une vitrine, à Paris, alors que cette dame de 97 ans ne sort plus de chez elle, à Québec... -- ne sont peut-être pas que des coïncidences.

Cette nouvelle d'une trentaine de pages est intéressante en ce qu'elle fait intervenir progressivement des occurrences plus insolites les unes que les autres. Au début, Mireille croit à de heureux hasards, puis en vient à se demander si tous ces hasards ne seraient pas le fruit de quelque déterminisme...

(Daniel Sernine, « Les portes mystérieuses », dans Maure à Venise, Gatineau, éditions Vents d'Ouest, 2005, 160 p.)


« Maure à Venise » -- Daniel SERNINE (2005) (nouvelle)

Andrée-Anne est atteinte du sida. Elle entreprend avec sa tante, sa confidente de toujours, un voyage en Italie, question de profiter de la vie. Elle rencontre là-bas un homme mystérieux qu'elle semble être la seule à voir et qui ressemble étrangement à cet acteur scandinave qui personnifiait Tadzio dans Mort à Venise, l'adaption cinématographique du roman de Thomas Mann. Aussi Andrée-Anne éprouve-t-elle toutes sortes de sensations physiques et sensorielles qui la font prendre conscience du changement que subit son corps. C'est littéralement changée -- et pour le mieux... -- qu'Andrée-Anne quittera l'Italie, déjouant les pronostics de son médecin.

Voilà un autre exemple de fantastique qui fait intervenir une réaction assez positive à l'égard du phénomène insolite. La nouvelle, plutôt longue (quelque 40 pages), est aussi pourvue de belles descriptions, qui font découvrir au lecteur plusieurs des recoins que l'Italie a à offrir.

(Daniel Sernine, « Maure à Venise », dans Maure à Venise, Gatineau, éditions Vents d'Ouest, 2005, 160 p.)


" Dracula " -- Bram STOKER (1897) (roman)

Jonathan Harker, employé d'une compagnie d'immobilier de Carfax, est envoyé par son patron en Transylvanie à la rencontre du comte Dracula, qui souhaite faire l'acquisition d'un terrain en Angleterre. Harker se rend vite compte que le mode de vie de Dracula, ainsi que ses propriétés physiques, n'est pas celui d'un homme normal, et que c'est peut-être la vie au château du terrible comte qui a rendu Renfield, l'homme que Harker remplace au sien de la compagnie, fou à lier.

Véritable chef-d'oeuvre de la littérature fantastique, ce roman épistolaire a cimenté l'archétype du vampire. Les descriptions y sont savoureuses -- il suffit de penser à l'arrivée de Harker en Transylvanie et à la façon dont le paysage annonce ce que le jeune homme trouvera chez Dracula... L'échange de lettres entre Harker, sa future épouse, Wilmina Murray, l'amie de Wilmina, Lucy Westenra (vampirisée par Dracula), le professeur Abraham Van Helsing, venu à la rescousse, ainsi que le docteur John Steward, qui soigne Renfield, permet plusieurs points de vue narratifs sur les phénomènes qui se produisent.

(Bram Stoker, Dracula, Paris, éditions Presses Pocket, 1992 (c1897), 575 p.)


« La fleur qui faisait un son » (Yves THÉRIAULT) (1944) (conte)

Au hameau, tout le monde connaît le Troublé. Son nom révèle sa naïveté. Cette naïveté est exacerbée le jour où le Troublé trouve une « fleur qui produit un son ». Le son est agréable, apaisant, mais le Troublé doit convaincre les gens du village — dont Daumier, qui doute de lui — que sa fleur produit bel et bien ce son...

 

Ce récit de Thériault flirte avec le fantastique sans tomber parfaitement dans le moule du récit fantastique type. La fleur produit-elle vraiment le son ? Il faut en croire un personnage dont la naiveté lui fait voir la réalité à travers des lunettes différentes de celles de ses compatriotes. Le Troublé ressemble un peu au Lenny de Steinbeck, celui qui maltraite ce qu'il aime.

 

(THÉRIAULT, Yves, Contes pour un homme seul, Montréal, éditions Bibliothèque québécoise, 1993 (c1944), 138 p.